Phénomène en essor croissant, le revenge porn bénéficie de l’avènement des réseaux sociaux décuplant ainsi les possibilités de diffusion sur la toile. Il s’agit d’une pratique abjecte qui consiste à publier, montrer, diffuser, « divulguer, afin de nuire à un tiers et sans son consentement, un enregistrement ou tout autre document à caractère sexuel le concernant, que celui-ci ait été ou non réalisé avec son accord ». La pornodivulgation est une violence sexuelle qui plus est une cyberviolence. Cette infraction est fondée sur la violation du droit à l’image. Ce droit à l’image est enfreint à deux reprises lorsque les images à caractère sexuel ont été prises à l’insu de la personne, le consentement est alors doublement violé lors de la réalisation et lors de la diffusion.
Son appellation anglo-saxonne le dit sans détours, il s’agit de se faire vengeance par le porno. Dans la majorité des cas, une vengeance après relation intime. Les cas les plus courants sont les suivants : le diffuseur ne tolère pas un refus de la victime ou il ne supporte pas une infidélité ou encore il n’accepte pas une rupture sentimentale. Il ne pense plus qu’à souiller l’image de l’autre, ne songeant plus qu’à détruire sa réputation. La personne peut également recourir à un chantage odieux à la diffusion entraînant ainsi sa victime dans l’enfer de l’attente du scénario redouté. Certains gardent un dossier au chaud, prêt à être partagé, au cas où et n’hésitent pas à montrer une partie des photos en soirée. Est-il nécessaire de rappeler que les ados sont des mineurs ?
Le but recherché est de faire mal à un ou une ex partenaire.
Partenaire qui était souvent consentant au moment de l’enregistrement mais absolument pas en ce qui concerne la diffusion. La nuance est de taille. Réaliser ces selfies intimes dans un cadre de confiance et de manière consentie peut être un jeu de séduction dans le langage amoureux du désir. Les clichés ou vidéos peuvent avoir été réalisés par la victime ou réalisés par le partenaire de manière consentie par la victime. Ne nous voilons pas la face, beaucoup d’ados s’y livrent. Mais qu’en est-il de leur compréhension du consentement, du cadre de confiance, du respect de la relation et de l’après relation ? Les auteurs ont-ils conscience des conséquences psychologiques et sociales d’une telle diffusion de l’intimité sexuelle d’autrui ? Conséquences qui peuvent déboucher sur un drame, le suicide.
La tendance est à blâmer la victime qui, selon certaines personnes, « aurait pu être plus prudente, ne pas céder, ne pas prendre ses photos ou ses vidéos et ne pas les envoyer ». La victime est accusée d’être responsable de ce qui lui arrive.
Il est également courant que ses amies, ses camarades de classe ou d’établissement mènent contre elle une campagne de déconsidération. En totale désolidarisation comme si c’était contagieux, n’hésitant pas à piétiner un peu plus la victime. Une double peine. Les parents, la famille, le corps enseignant peuvent avoir des paroles malheureuses culpabilisant un peu plus la victime. Mais l’auteur de cette forme de cyberharcèlement diffusant ces images sans le consentement de son ex partenaire, qu’en disent ces garants de la morale? La honte doit être de quel côté ? Du côté de la victime ou du côté de l’auteur de la diffusion ?
Le revenge porn chez les ados peut toucher des garçons et pourtant cette pratique est principalement vécue par des adolescentes.
Souvent inconscientes des risques, mal informées ou trop confiantes en leur partenaire, les futures victimes partagent des « nudes » pris à la demande du partenaire ou en font une manière de prouver leur amour à ce partenaire. Un jeu s’installe. Parfois un chantage sexuel. Contrairement à ce qu’on pense, c’est fréquent entre ados. Les parents ne soupçonnent rien. Lorsqu’un partenaire fait croire à sa victime que ce sont des pratiques normales en sachant que la victime franchit et nie toutes ses limites, ça dérape déjà. La relation devient conditionnée aux demandes du partenaire avide d’exigences parfois sordides. Lors d’échanges en webcam, un chantage appelé sextorsion peut s’installer et pousse à aller toujours plus loin dans les faveurs sexuelles. La pornovengeance peut revêtir plusieurs contours pas tous abordés ici.
Alors que faire ? Comment prévenir ce phénomène?
Continuer sans relâche à donner des formations sur la sexualité, sur le consentement tout en formant au droit à l’image dans les écoles. Sensibiliser et responsabiliser les ados sur les contenus partagés avec des tiers. Jusqu’où partager son intimité de manière sûre? Que partager et comment si c’est à caractère sexuel ? Sensibiliser à l’identification sur les images par exemple ne pas afficher son visage, éviter les signes distinctifs, ne pas montrer sa chambre,… Leur apprendre à mesurer les risques en leur faisant visualiser des situations par exemple le risque d’une atteinte à son droit à l’image ainsi qu’à son intimité et à sa vie privée. Une fois l’image ou la vidéo envoyée, son contenu ne lui appartient plus. N’importe qui y ayant accès y compris le récepteur peut en faire un usage malveillant.
Il est important de les sensibiliser au rôle de témoin, à la passivité face à la violence et aux conséquences.
Les témoins disent régulièrement se sentir impuissants face à l’allure de propagation et face aux conséquences. Et enfin engager les ados à s’investir dans la prévention, les impliquer.
Interdire les selfies intimes serait contre-productif et infaisable.
Optons pour un dialogue, pour un échange d’informations juridiques, psychopédagogiques et sociales afin d’enrayer les risques. Ces ados ne l’oublions pas sont de futurs adultes sur lesquels les conséquences seront tout aussi délétères. L’image sociale d’un ado est très importante. Il peut être intéressant d’actionner ce levier. Les photos ou les vidéos explicites peuvent un jour faire le tour de la classe, de l’école, des cercles de potes, de la ville, de la famille... Ça reste ancré dans les mémoires même si les images sont effacées, supprimées. La victime n’est plus maître de rien, tout est dans les mains de l’auteur et de ceux qui visionnent. Quand le remord, la honte, la peur, l’isolement, l’humiliation sont là, il est très difficile de parler. La victime se sent prise au piège. Elle aimerait appeler au secours mais elle a peur des conséquences. Elle redoute de se retrouver seule, conspuée, elle craint de perdre ses parents, sa famille, ses amis. D’être rejetée de tous. D’être insultée.
Comment agir avec un ado face à cette situation?
Avant tout, déculpabilisez l’ado, revenez sur la notion de consentement. Veillez à ne pas juger, soyez vigilant dans votre communication. Epaulez-le, montrez-lui votre soutien. Demandez-lui de garder soigneusement toutes les preuves (messages, emails, vocaux…). Engagez l’ado à bloquer l’auteur de la diffusion. Contactez la plateforme ou le réseau social pour stopper la diffusion des contenus litigieux. Déposez plainte. Avertissez l’école si l’auteur en fait partie et si ça a lieu en son sein. Et après vient la longue reconstruction. Reconstruction nécessaire de l’amour de soi, de l’estime de soi et de la confiance ne soi et en l’autre.
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En France, le délit de revenge porn est passible de deux ans d’emprisonnement et de 60.000 euros d’amende. Participer à la diffusion des contenus, ne serait-ce que par un simple « like », constitue un acte de harcèlement de meute, passible de trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Pour les victimes, il existe une procédure de signalement prioritaire et accélérée avec les réseaux sociaux pour obtenir la suppression des contenus en quelques heures.
En Belgique, la loi du 4 mai 2020 vise à combattre le revenge porn. La sanction pénale prévue est une peine de 6 mois à 5 ans d’emprisonnement. Dès qu’il y a commencement de processus, l’infraction existe. La victime de moins de 16 ans est présumée n’avoir pas consenti à la diffusion des images. Plus la victime est jeune, plus les peines d’emprisonnement sont lourdes. De 5 à 10 ans si la victime a entre 16 et 18 ans, de 10 à 15 ans si la victime a moins de 16 ans. L’amende prévue va de 1.600 euros à 80.000 euros. Une procédure judiciaire d’extrême urgence, auprès du Tribunal de première instance compétent, est prévue pour que la victime puisse faire retirer ou masquer dans des délais très rapides le contenu illicite. Si l’opérateur n’agit pas, une amende allant de 1600 à 120.000 euros est prévue.